Si le paysan vit avec la nature, il ne la maîtrise pas pour autant : il la subit.
Son travail et ses ressources peuvent être réduits à néant par la colère des éléments. Ce soleil ardent qui brûle ses terres, ces bourrasques qui mettent en péril sa ferme, cette grêle qui ruine ses blés, il les redoute en permanence et, lorsque le malheur survient, la désolation est parfois complète.
Cette peur et cette impuissance nourissent nombre de croyances et de superstitions. Les éléments seraient aux mains de personnages invisibles et extraordinaires aux pouvoirs magiques.
Si le vent souffle avec une telle force en Bretagne la faute en incombe au Tempestier
( génie de la colère ).
Si la pluie noie les terres du Périgord, c'est le Génie du Mal qui pleure sa colère.
Cette tempête qui déchire les côtes du Cotentin est l'oeuvre du Criard : les pêcheurs jurent avoir aperçu son cheval noir sauter de rocher en rocher !
Sitôt que l'homme s'éloigne de repères familiers, son village, sa ferme et ses champs, s'ouvrent des territoire mystérieux.
L'extrême densité de la forêt et la désespérante monotonie des Landes en font des lieux particulièrement inquiétants. Les landes, ces étendues infinies tapissées d'herbes folles sur lesquelles on peut marcher des heures entières sans jamais rencontrer âme qui vive sont réputées dangereuses.
Les sentiers qu'on y discerne sont autant de pièges : celui qui s'y risque a toujours peur d'être la proie de forces magiques et de se voir ainsi condamné à une longue et cruelle errance, comme en témoigne cette allusion à « l'herbe de la détourne » que les habitants des plaines du Cotentin craignent tant de piétiner : " Quand on avait tourné le dos aux Taureau rouge et dépassé l'espèce de plateau ou venait expirer le chemin et où commence la lande de Lessay, on trouvait devant soi plusieurs sentiers parallèles qui zébraient la Lande et se séparaient les uns des autres à mesure qu'on avancait en plaine, car ils aboutissaient tous, dans des directions différentes, a des points extrêmement éloignés" .
Visibles d'abord sur le sol et sur la limite du landage, ils s'effacaient à mesure qu'on plongeaient dans l'étendue, et on n'avait pas beaucoup marché qu'on n'en voyait plus aucune trace, même le jour. Tout était Lande, le sentier avait disparu.
C'était là pour le voyageur un danger toujours subsistant.
Quelques pas le rejetaient hors de sa voie, sans qu'ils pu s'en apercevoir, dans ces espaces où dériver involontairement de la ligne qu'on suit est presque fatal, et il allait alors comme un vaisseau sans boussole, après mille tours et retours sur lui-même, aborder de l'autre côté de la lande, à un point trés éloigné du but de sa destination.
La forêt, aussi grouillante de vie que la plaine paraît déserte, menace du même péril l'intrépide qui ose s'y aventurer.
Les repères se brouillent, tout devient plus effrayant: ces tapis épais de Fougères, cette obscurité permanente, ces arbres à la silhouette tortueuse, ces bruits toujours suspects…
Le massif de Sourdun entre Nogent-sur-Seine et Provins, entoure ainsi des mystères jusque dans les premières années du XIX siècle.
Les villageois des alentours l'ont même surnommé " mauvaise voisine " : celui qui si engouffre risque de ne jamais en sortir… Et cette forêt de la Hunaudaye (Côtes-d'Armor) les troncs blancs de ces bouleaux n'ont ils pas produit quantité de visions fantômatiques aux voyageurs ?
En somme, plus le paysage devient secret et hostile, plus il influence l'imagination : les chaos de rochers, les longues étendues sauvages, les grottes, les multiples étangs, les hauteurs inaccessibles…
Autant de terres inconnues qui impressionnent les esprits ; autant d'espaces sauvages ou l'homme se retrouve seul avec lui-même face à la nature.
Ainsi naissent des contrées légendaires....